cOntes d'un roi pas si sage









ou Artégan, le retour!

C'est que je t'avais parlé de la première quête existentielle de ce petit roi. Il en connaît en fait trois, qui le rapproche un peu plus à chaque fois d'Epicure. Oui, oui, absolument. Parce que ce livre, c'est de la philosophie doucement et délicatement mise en bouche, l'air de rien, sans tralala ni morale (ce que je préfère), mais avec doigté.


Au conte premier de sa vie, donc, Artégan voulait du temps.
Il aurait flirté avec la lune, certainement se serait fait teindre en brune, pour allonger les marées et les journées.
Il aurait même menacé les horlogers.
Il ne connaissait pas sa bonne fortune.
Et je ne te la dirai pas non plus.

Au conte deuxième de sa vie, Artégan a bien du tourment.
Asseoir son prestige tient de la haute voltige !
Son tournis lui flanque un sacré vertige...
De rouge colère, il passe à vert de rage, puis à bleu de peur.
Il prendra la mer pour laisser parler son petit cœur.
Bien lui en prit. Le malentendu, ça peut vous causer un sacré ravage...
Et je ne te dirai pas pourquoi. 

Au conte troisième de sa vie, Artégan, papa, voudrait bien mettre son fils sous cloche, pour lui éviter toute anicroche.
L'abriter sans faille de tout ce qui déraille.
La déraison la gagne. Mais l'Animal est bien marié. Son épouse est fine, on dirait qu'elle sort d'un conte de Grimm...
Et je ne te dirai pas comment. 

Conte premier - Du temps apprivoisé
"Le temps passa ainsi. L'hiver s'installa. Artégan ne savait plus vraiment s'il était furieux, déçu ou attristé, et ses yeux gardèrent cette mélancolie qui étonnait." (p.18)

"Que te dire, mon jeune Sire ? Je croyais que savoir lire mettait à l'abri des questions stupides. Je vois qu'il n'en est rien." (p.22)

Conte deuxième - De la sagesse du cœur
"C'était un homme qui se déplaçait avec une grande élégance et qui n'aimait rien tant que dessiner dans les airs les formes qui naissaient dans sa tête." (p.35)
"On tenait la nouvelle pour certaine. Comment expliquer, sinon, les troupes massées aux abords des villes et les pétarades de canon entendues de l'autre côté des montagnes ?" (p.42)
"Son rêve de royaume prospère s'effondrait. Il conduisait son peuple au malheur et à la désolation. [...] Il n'ignorait ni le sang  ni les larmes, il savait les destructions et le feu." (p.45)

Conte troisième - De l'éducation d'un prince
"Ce que Gayanée ignorait, c'est que, depuis la naissance de son fils, Artégan ne connaissait plus de repos. Il souffrait en silence d'une peur sourde, sombre qui lui broyait le cœur." (p. 58) 
"Vous vouliez me montrer que j'élève notre fils comme un poltron ?" (p.70)
"Mais je tenais à ce que vous entendiez ces enfants. Ils sont courageux, solides, intelligents, entreprenants. Ils sont l'avenir de notre pays, comme vous vous plaisez souvent à le dire. Et  vous avez raison." (p.71)


Tu entends, dis, à ces petits extraits, comme la langue est fluide et coule toute seule dans la bouche. Parce que c'est une lecture à offrir, assurément. De belles phrases, longues et pleines, mais pas des corvées. Juste de jolies phrases qui s'ouvrent sous la voix. J'en relis un petit bout, tiens !

Contes d'un roi pas si sage
De Ghislaine Roman
Illustré par Clémence Pollet
aux éditions du Seuil Jeunesse


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